Preface to 28 Psalms of David (Du Chemin, 1549)

CLEMENT JANEQUIN

Au Lecteur.

Amy lecteur, Encores qu’il ne soit grand besoing de t’ouvrir les moyens que j’ay euz de publier mes labeurs, si est-ce qu’en passant je t’en ay bien voulu declarer un pour tous, taisant les prieres de mes meilleurs amys, mesme de ceulx qui me peuvent commander & que je ne puis bonnement esconduire. C’est que j’estimerois avoir grandement failly, d’avoir si long temps vescu en ceste reputation, de povoir en mon art profiter de quelque chose à la posterité, s’il advenoit qu’un mesme trepas effacast la memoire & de moy & de mes oeuvres, a faulte ou de les avoir moymesmes mises en lumiere ou les y avoir laissé mettre peu correctement & sans ordre, qui pourroit estre cause que l’injure du temps reduiroit mon ouvrage à tel poinct, qu’il seroit aussi peu durable, que la main qui le nota. Voila doncques en partie la cause pour laquelle j’y faict imprimer les Psalmes de David traduictz par Marot, lesquelz j’ai mis en Musique sur le chant vulgaire : tu le congnoistras les oyant chanter ou les chantant toy mesmes. Enquoy faisant, voicy le fruict que tu auras : le subject de David t’enseignera la voye par ou tu dois cheminer pour plaire au seigneur Dieu ; la traduction de Marot, outre ce qu’elle te fera congnoistre ce que par adventure t’estoit incongneu pout la diversité des langues, si polira elle ton langage ; quand à la Musique, que j’ay conformée aux affections & couleurs du poesme, elle ne te pourra que consoler si tu est triste, & si tu es joyeux t’y maintenir. Ainsi, par un mesme moyen, & tout à un coup pour gaingner temps (duquel la seule avarice est honneste), ton esprit sera endoctriné, ton langage poly, & ton oreille (peut estre) contentée. Adieu. De Paris, le quinziesme jour de may Mil cinq cens quarante neuf.